Il faisait un froid de canard ce jour là. Je n'avais qu'un blouson en toile, pas bien épais. J'avais oublié à quel point il pouvait faire froid dehors. En effet, je n'avais plus respiré l'air frais depuis bientôt deux ans. La raison ? On m'avait enfermé dans un hôpital psychiatrique. Tout le monde pensait que j'étais dingue, les médecins pensaient même que j'avais des troubles mentaux de l'ordre de la schizophrénie ! Ce sont eux les fous dans ce monde ! Comment pourrais-je être dangereuse, faire du mal à quelqu'un ? Moi, Jeene Cartwright qui était incapable de faire le moindre mal à une mouche. Dans cette situation, la seule personne que je faisais souffrir, c'était moi-même. Pourquoi m'enfermer alors ? Il y a parfois des gestes que j'ai du mal à comprendre... L'Homme est tout sauf logique !

Quoi qu'il en soit, je dois bien avouer que ce long séjour en hosto pour dingues ne m'a pas fait le plus grand mal. Enfin, le seul point positif est le fait que je n'ai plus touché à une seule dose d'héroïne depuis ces deux années. Je n'ai même pas connu l'état de manque. A vrai dire, je n'ai jamais été aussi shootée que lors des premières semaines de mon séjour. Me considérant comme un « danger » ils m'avaient branché une perfusion rattachée à une pompe à morphine. Je n'avais plus les idées claires, je ne savais plus qui j'étais ni même ce qu'il se passait. En même temps si l'on y réfléchissait bien, c'était leur but ! M'enfermer là-bas, c'était dire adieu aux problèmes que je causais à toute ma famille, dire au-revoir à toute inquiétude et laisser le travail pour les autres. Ah, il est beau l'esprit de famille hein ? Mais malgré ça, je ne leur en veux pas, je n'y arrive pas. Il ne faut pas voir que les mauvais côtés, je ne suis plus une toxico' aujourd'hui.

Passant devant une cafétéria, je décidai de m'arrêter, pour deux raisons. La première est celle que je me gelais littéralement. Je ne sais pas combien de degrés il pouvait faire dehors mais le mercure ne devait pas monter bien haut dans le thermomètre ! Voir les gens consommer un chocolat chaud me donnait envie. Apprécier le fort goût de chocolat descendre dans sa gorge et réchauffer son corps à chaque gorgée me manquait, surtout à ce moment là ! Mais voila, j'étais fauchée, je n'avais plus rien. Si j'avais ne serait-ce le malheur de prendre de l'argent dans un distributeur, on me retrouverait et je resterai encore longtemps dans ce maudis hôpital. Ce que je voulais moi, c'était vivre ! Vivre ma vie avec les personnes que j'aimais... Mais ces personnes là n'avaient pas l'air de voir à quel point elles m'étaient chères. Ceci me ramène à la seconde raison qui m'a poussé à m'arrêter.

« Excusez moi monsieur, est ce que vous savez où se trouve le Building Baron's ? »
« Vous n'êtes pas très loin, regardez par là... Vous voyez ? Juste en face. »
« C'est... ça ? »
« Impressionnant non ? Vous ne semblez pas d'ici sinon vous seriez blasé devant un tel bâtiment, je me trompe ? »
« Excusez moi je suis pressée. Merci pour le renseignement... »

Je partis sans demander mon compte. Il ne fallait pas que je donne quelque information à mon sujet. Vous vous demandez ce que je veux à ces buildings ? A eux rien, je souhaite simplement retrouver mon frère Ashton qui habite là-bas. Je ne savais plus rien de lui... est ce qu'il était en collocation ? Habitait-il avec sa copine ? Dans tous les cas, la chance m'avait sourit lorsque j'ai eu l'idée de regarder dans l'annuaire. Le téléphone était à son nom et il y avait une adresse. J'avais longtemps hésité avant de m'y rendre mais de toute façon, je n'avais pas vraiment le choix. Si je m'étais enfuie de l'hôpital, c'était en partie pour le revoir à lui. Il fallait que j'aille jusqu'au bout de mes décisions et que je les assume.

Une autre raison m'avait poussé à faire ce que j'avais fait... Je posai mon regard sur un bracelet en argent et un sourire se dessina sur mon visage. Ian... c'était l'amour de ma vie. Il avait été si présent quand j'étais encore au Texas. Mais si absent ces deux dernières années... Me croyait-il morte ? Ou pensait-il que je l'avais oublié et tiré un trait définitif sur notre relation ? J'ose à peine imaginer à quel point j'ai du lui faire mal. En effet, je ne savais pas moi même que j'allais dans un hôpital psychiatrique quand mon frère Ashton m'a déclaré qu'il m'emmenait quelque part. Je pensais que le voyage serait de courte durée... De plus, je n'avais été prévenue que quelques minutes avant mon départ. Je n'avais alors pas eu l'idée d'envoyer un sms à Ian pour lui dire que je ne serai pas là ce week end. Maintenant je n'ai plus rien mis à part ce bracelet en argent et un pendantif en cristal que m'avait offert Ashton. Impossible de rentrer en contact avec lui... J'avais beaucoup souffert de cette séparation mais paradoxalement, je ne voulais pas que mon grand frère sache que j'étais en couple au moment de mon entrée dans l'hôpital. Ce serait lui causer du malheur. Oui car il ne le savait pas mais il avait fait subir à Ian indirectement ce que lui même avait subi quand sa copine Lisbeth avait disparu de la circulation.

Un petit rictus apparut sur mon visage à cette pensée. Devant moi se tenait un gigantesque building. Je posai ma main sur la porte d'entrée du hall, hésitant à l'ouvrir. Puis d'un coup, je tirai dessus avec force dans le but qu'elle cède. Mais rien ne se produisit. J'essayai une nouvelle fois mais rien ne se passa... Je compris alors que la porte était fermée à clé. Il fallait que j'attende que quelqu'un l'ouvre. J'aurai du envisager cette éventualité ! Téléphoner à Ashton via l'interphone ? Non, je ne le ferai pas, je n'avais pas le courage. Cependant, j'avais terriblement envie de le revoir... Je décidai d'attendre sagement dans un coin que quelqu'un sorte ou entre dans l'immeuble. Il faisait vraiment très froid... heureusement, au bout d'une demi heure environ, un jeune homme sortit du bâtiment. Je me précipitai sur la porte pour qu'elle ne se ferme pas. Le jeune homme assez surpris ne me demanda pas ce que je voulais et me laissa faire.

A présent j'étais dans le hall du building. Dans ce hall, des boites aux lettres... Je cherchai patiamment celle de mon grand frère. Je ne tardai pas à la trouver. « Appartement n°1 ». Je partis alors à la recherche de ce mystérieux appartement. Je ne mis pas beaucoup de temps avant de le trouver. J'étais tétanisée par la peur... Comment Ashton allait-il réagir ? Il ne fallait pas que je lui laisse penser que j'étais toujours la même. Il fallait que je lui prouve que j'avais changé... Je soufflai un bon coup, pris ma respiration avant de toquer à la porte. Des bruits de pas se firent entendre, ma respiration s'accéléra. La clé s'agita dans la serrure, mon débit cardiaque augmenta. La porte s'ouvrit, mon corps se paralysa. Ashton se tenait devant moi, aussi ébahi et étonné que moi visiblement. Je ne l'avais plus revu depuis si longtemps...

« Salut Ashton. »

J'avais dit cette phrase dans un murmure. Mes membres tremblaient...