J'abandonnais. L'idée de le revoir, le reste, j'abandonnais toute espoir d'un jour croiser sa route. Pourtant assise sur un de ces fauteuils trop rouges, face a la scène, face a tous ces acteurs qui jouaient la vie d'un autre, je souriais. Parce que j'aimais ces moments d'abandon total, j'aimais qu'on me raconte des histoires, comme quand j'étais gamine et que grand mère s'asseyait sur mon lit pour me raconter des Cendrillons ou Belles aux bois dormants. Ce soir, ils jouaient du Shakespeare. Alors assise sur mon fauteuil, je regardait ces gens aux visages recouverts par des masques joliment peint. Y avait cette femme sur le scène, celle qui jouait l'amoureuse. Ça m'a toujours fait rêvé, ces femmes habillées comme des princesses, avec leurs airs de femmes de la haute. Rien a voir avec moi. Pourtant, j'aurais aimé ressembler a toutes ces princesses des temps modernes, femmes d'affaires ou de n'importe quelle autre importance. J'aurais voulut être une de ces femmes qui montent sur scène pour faire sourire ou même pleurer les gens. J'aurais aimé être de celles a qui l'on tend la main pour les féliciter, parce qu'elles sont belles, qu'elle n'ont rien a voir avec les autres. Les gens applaudissent et je ne réalise pas que l'histoire se termine. La tête ailleurs, je voudrais tout reprendre a zéro. Prévenir les gens du mal qu'ils se feront, et puis me prévenir moi du mal que je me ferais. Mes mains se joignent puis se séparent, automate parmi tant d'autres, je félicite l'acteur d'avoir réussit sa mission, celle d'occuper l'esprit de tous ces gens tourmentés. Parce que le théâtre c'est un peu ça, compter de jolies histoires a des gens en soif d'évasion. Je faisais partie de ces gens. Depuis mon arrivée ici, je passais mes journées assise, sur les bancs de l'université, ou sur ceux d'un cinéma. Allez savoir ce qui me poussais a m'évader jusque là bas. Moi je sais. Je sais qu'au fond, c'est lui que je cherchais. Je cherchais son regard, et puis son air d'enfant sauvage. J'en étais persuadée, il n'aurait pas changé. Je cherchais le garçon qui quelques années plus tôt avait osé se mettre entre mon concepteur et moi, entre un père et sa fille. Savait il que ce jour là il changerait ma vie a jamais ? Savait il que ce jour là, il donnerait un sens a ma vie ? Les gens se lèvent et je me lève avec eux. J'attrape ma veste resté a mes pieds. Les gens murmurent leurs avis divergeant, rient, s'enlacent, resserrent un peu plus l'étreinte de leurs mains liés. Dehors il fait froid, et autour de mon cou je noue l'écharpe que je me suis offerte la veille.

Il fait froid, début de l'hiver oblige. Emmitouflée dans mon blouson, j'observe le ciel déjà plongé dans le noir le plus profond. Il n'est pas tard, juste assez pour me laisser le temps d'une promenade nocturne. Cette ville est belle lorsque disparaît le jour. Les gens pressés s'apaisent, esquivent un sourire. Le soir, lorsque je franchis la porte de ma chambre, c'est face au piano que je m'assoie, laissant mes doigts parcourir les touches, parce qu'eux tout seuls sont capables de retranscrire joliment ce qui défile devant moi. J'aime la musique et la liberté qu'elle me procure. Personne a part Riguel au par avant n'ont put partager ces moments avec moi, ceux où l'on s'assoit derrière les touches, et où l'on s'abandonne a l'imagination. Alors lorsque je franchit la porte des plus beaux théâtre, souvent je m'imagine a la place de tous ces gens, mes musiques pour attirer les gens. J'imagine leurs sourires, j'imagine cette vieille femme inconnue qui viendrait me féliciter pour mon travaille, qui lui aura rappelé sa jeunesse. Souvent, je me demande a quoi ressemblera ma vie plus tard. Assise dans des amphithéâtres trop grand, j'étudie des choses qui ne m'intéressent pas. Je ne veux devenir ni avocate ni médecin, moi ce que je veux, c'est jouer de la musique, ou bien faire du dessin. Mes mains ont glissés dans les poches de ma vestes alors que mon corps est parcourut d'un frisson. Autour du théâtre, les gens s'amassent dans des bars d'où s'échappent rires et musiques électro. Mais il ne s'agit pas là de ce qui ce soir là attira mon regard. Non, plus que tous ces gens, il était là. Je reconnaitrait son regard entre mille. Il fut un temps où je n'aurais pas hésité a l'aborder, où au simple fait de le reconnaître, j'aurais couru dans ses bras avant de couvrir son visage de baisers. Mais aujourd'hui, perdue au milieu de la foule, qu'est ce qui m'assurait que je ne m'étais pas trompé ? Cet homme aurait put être n'importe qu'elle autre. Pourtant, y avait ce quelque chose dans ma poitrine, ce quelque chose qui ne m'avait jamais vraiment abandonné, comme un radar a Riguel. Et puis, c'est comme si mon corps c'était déconnecté de ma tête. J'ai fait demi tours, et puis, me glissant parmi les gens, j'ai finis par le rattraper. Qui d'autre que lui pouvait avoir cette allure ? Non, il n'avait pas changé, toujours le même que celui qui avait partagé ma vie. Et puis, c'est comme si mes pieds c'étaient ancrés dans le sol, je me suis brusquement arrêtée. « San ? »

Petite, je rêvais de devenir une princesse, une de celles qui vivent dans d'immenses palais, et qui tombent toujours amoureuse du bon garçon. Je sais pas pourquoi, mais ça arrive toujours que dans les livres. Dans la réalité, on tombe toujours amoureuse de celui qu'il ne faut pas. La fille de bonne famille tombe amoureuse du gamin sans argent, le sportif s'éprend du jolie rat de bibliothèque, et Catia s'éprit de Riguel. Quand j'étais petite, je voulais devenir danseuse étoile, alors que de toute ma vie je n'ai jamais prit de cours de danse. Je trouvais juste ça jolie, ces petites filles toutes droites qu'on mettait dans les boîtes a musique et qui tournaient la jambe a la verticale. Ouais, plus tard je serais une princesse, je me marierais avec un super prince charmant, et puis, je deviendrais danseuse. Bien sûr. C'est ce que je me suis dis quand il s'est retourné et que j'ai croisé son regard. Je me suis dis que si il était belle et bien là, planté devant moi, alors je devais rêver, ou quelque chose dans ce genre là. Alors je suis resté un instant silencieuse, sans trop réaliser. Bordel, il était là, au beau milieu d'une rue pleine de monde. Alors un sourire s'est dessiné sur mes lèvres. Je me sentais comme une petite fille qui se trouve pour la toute première fois face a monsieur le père Noël, en bien plus séduisant bien sûr. Riguel, le Riguel d'y a longtemps, celui qui avait prit la fuite a mes côtés, celui qui s'allongeait sur mon lit, écoutant la musique qui envahissait la pièce. J'ai pas l'impression qu'il est changé, du moins physiquement, parce que dans son regard, on dira qu'il y a quelques chose de perdu. Il manque quelque chose mais j'ignore quoi. Alors j'ai fais un pas, puis un autre, et je me suis arrêté a quelques centimètres de lui. Le bourdonnement des gens autour de nous, je ne l'entendais plus. Quelque chose clochait, peut être la façon dont se déroulait les choses. Je n'aurais pas pensé la croiser ici, au beau milieu de la rue. J'aurais pas cru le croiser seul. J'aurais cru qu'il m'enverrais balader pour se venger de ce que j'avais pu lui faire, même si au fond, je savais que ça ne lui ressemblait pas. J'aurais seulement préféré quelque chose d'un peu moins normal, qui m'aurait semblé plus réel.

Alors il a fallut être sûre, certaine qu'il s'agissait bien de lui. Oh, si j'avais pu, j'aurais courut jusqu'à ses bras pour me blottir contre lui. J'aurais fais toutes ces choses tout comme au cinéma, ces choses qui vous ferraient presque pleurer, comme ça, comme rien. Mais je peux pas, je peux pas parce que je réalise pas. Alors un homme eu la maladresse de me bousculer, dur retour a la réalité, je balançais en direction de l'inconnu mon regard le plus sombre avant de reporter mon attention sur le garçon debout devant moi. Oui Riguel, je dois m'assurer qu'il s'agit bien de toi. « Comment est ce qu'on s'est rencontrés la toute première fois ? » J'espère qu'il comprendra, qu'il ne me prendra pas juste pour une folle échapper de n'importe où. Mais comprenez. Comprenez que j'ai besoin d'être sûre, parce qu'il a été mon meilleur ami, mon confident, l'homme de ma vie, et dans la mesure du possible, j'aimerai ne pas avoir a le perdre une nouvelle fois. Alors je reste planté là, debout comme une idiote. Dans ma tête, y a les images qui défilent, celles de ce premier moment ensemble, assit au fond d'un café, nos doigts glacé tentant de se réchauffer contre nos tasses brûlantes. Je revois les gens, j'entends leurs rires, j'y retournerais bien, pour tout reprendre a zéro.

Autour de nous, les gens semblent ne pas comprendre, leur vie continue. Après cette parenthèse théâtrale perdue au beau milieu de leur vie, les voilà qui marchent, se bousculent, se dévisagent. J'ai l'impression d'être invisible, sauf quand je croise son regard a lui. Dans ses yeux, je me sent comme une princesse. Dis moi que tu me déteste Riguel, dis moi combien tu me hais de t'avoir laisser comme ça. Dis moi toutes ses choses, mais dis moi qu'avec le temps, tu me refera une petite place dans ta vie. Parce que je n'ignore pas que de nombreuses femmes ont du partager des draps, peut être même que l'une d'entre elle a réussi a partager un moment de ta vie. Mais s'il te plait Riguel, s'il te plaît, laisse moi revenir dans ta vie.